Le ministère de la communication, des technologies de l’information et des médias en collaboration avec le Conseil National de la communication, a organisé du 24 au 25 novembre 2022, des états généraux de la communication et des médias, sous le thème : »Jamais sans les médias”. Différents acteurs de la communication, les responsables des médias, journalistes, les hauts cadres du ministère organisateur, les partenaires, les communicateurs de différentes institutions, etc, ont pris part à l’événement. Le non-respect du principe d’équilibre est l’un des points délicats du métier qui ont attiré l’attention des participants avec liberté dans les commentaires. Jeter un regard sur la vie du métier dans les 10 ans écoulés, après la tenue de la 2ème édition. C’était aussi l’affaire de méditer, échanger et étudier ensemble sur les défis qui hantent le journalisme burundais et la communication en vue de proposer des solutions.
Le métier du journalisme et de la communication, dans la décennie d’après la tenue des états généraux de 2011 , a connu des avancées mais aussi des comportements à déplorer. « Les fautes récurrentes enregistrées au cours de ces 10 ans sont entre autres la diffamation, les dérapages, des informations/émissions non équilibrées, atteinte à la dignité humaine, à la sécurité intérieure de l’état », fait savoir Laurent Kaganda, vice-président du Conseil National de la Communication. Il indique que le constat de l’organe régulateur des médias est que les organes de presse dévient à leurs engagements. « Le non-respect de : la ligne éditoriale, la grille des programmes, l’équilibre, cahier de charge, les changements de comités directeurs de médias sans aviser, des informations non actualisées, etc « .
Le positionnement des médias par rapport aux grands événements qui ont marqué la période de de 2011 à 2022 est un autre défi évoqué par Jacques Bukuru, DG communication et des médias. Selon cet ancien journaliste de la radio nationale, les médias ont pris position soit pro-mouvance, soit du côté de l’opposition, le professionnalisme a été oublié.
Par conséquent, déplore -t-il, certains médias ont été fermés, des journalistes malmenés et difficultés d’accéder aux sources d’information à cause de l’étiquette leur collée et la crise de solidarité s’est installée. « Des rédactions se retiraient des synergies ou s’opposaient aux points de vue sur un sujet à chaud » , indique cet ancien rédacteur en chef.
Pour Prosper Bazombanza, vice-président de la république du Burundi, le rôle d’un médium est d’informer, éduquer correctement la population mais, déplore -t-il, certains ont failli à leurs missions.Selon cette haute personnalité, certains médias ont basculé au combat pour la conquête du pouvoir et de façon le moins démocratique. Et cela, explique-t-il, a entraîné de manière générale une méfiance entre les pouvoirs publics et les médias . Il trouve que la seule solution est d’être guidé par le professionnalisme.
Ce qu’ils pensent sur l’origine des informations déséquilibrées, …
Philippe Nzobonariba trouve que les médias se positionnent suivant leurs bailleurs. « Tant que les médias vivent des moyens des organisations ou d’une institution quelconque, l’indépendance sera toujours difficile » , a indiqué ce porte-parole de la CENI . Selon lui, les médias devraient avoir des fonds propres pour pouvoir échapper de travailler à la solde de l’un ou de l’autre. « Il faut appuyer les médias financièrement pour qu’ils aient les moyens d’accéder aux services d’information et de faire mieux leur travail » , soutient Jacques Bukuru.
Pour l’Honorable Agathon Rwasa , ce déséquilibre reproché aux productions médiatiques , émane quelques fois de la mauvaise foi des cadres du gouvernement. « L’exemple est la radiotélévision nationale. Elle vit grâce à nos impôts mais, nous ne trouvons pas d’espace sur ses canaux de diffusion. Est-ce qu’elle est épargnée au respect du professionnalisme. Est-ce que le conseil national de la communication a un pouvoir sur cet organe public ? Nous entendons des mesures, des sanctions, des mises en garde…aux médias privés et taxés de servir l’opposition, qu’en est-il des médias pro mouvance qui insultent ou chargent l’autre camp sans moindre droit de réponse sur les mêmes ondes ? « , demande le président de la formation politique CNL . Ce chef de l’opposition déplore que les médias ne tendent pas le micro de la même manière aux leaders d’opinion alors que la population avait besoin de cette diversité pour construire le pays.
La société civile émet dans les mêmes ondes que l’opposition
« Si on veut asseoir la liberté d’expression et une presse libre, l’organe régulateur des médias doit prendre des mesures » , réagit Faustin Ndikumana, président du PARCEM. Pour lui , c’est déplorable que ce sont les autorités du gouvernement qui boycottent les émissions-débat , ce qui par conséquent, aboutit au report de l’émission et perturbe le travail des journalistes. Il appelle le CNC d’autoriser les médias de poursuivre les activités si un des invités se retire du plateau sans motif valable.
Il indique que c’est le pouvoir qui devrait prendre le devant pour garantir l’indépendance de la presse plutôt que saboter.
Malgré ces difficultés, le chef de la diplomatie européenne au Burundi salue le travail des journalistes. » Je voudrais saluer la résilience de nombreux journalistes qui œuvrent dans des conditions difficiles, faisant face tour à tour aux pressions et intimidations, à la réticence de certains, voire à des conditions de travail et salaires quelques fois insatisfaisant« , a- dit Claude Bochu. Il reste convaincu que la liberté de la presse reste un enjeu de taille au quotidien.
Des réponses aux inquiétudes,
La loi qui va bientôt régir la presse au Burundi l’ a tout pris en considération. Gérard Ntahe fait savoir que la loi en état de toilettage au service national de législation comporte des innovations qui tiennent à redonner la valeur au métier de journalisme. Une fois adoptée telle qu’elle est, ces innovations concernent entre autres la clarification de la place du cinéma et de la publicité par rapport aux médias, les droits des journalistes : avoir un contrat de travail, un salaire, protection sociale ,etc. Cette loi, poursuit-il, comportent des articles qui parlent des droits et obligations d’un organe de presse : exiger l’accès équilibre des partis politiques, société civile, des asbl,… . La dépénalisation des journalistes sur certains délits de presse a été pensée pour rendre libre le métier selon ce professeur de journalisme et membre de l’équipe en charge de la modification de ladite loi .
Pour ce qui est des moyens financiers, Jérôme Niyonzima demande aux médias de savoir monter et motiver des projets à soumettre auprès des bailleurs. Ce vétéran journaliste de la radio Isanganiro et proche des organisations qui appuient les médias indique que le comité de gestion du fonds d’appui aux médias est déjà constitué pour prendre le chemin de la transparence.
Willy Niyonkuru, directeur du journal en ligne Imboneza News demande de mettre en place la loi sur le sponsoring pour faciliter les médias de se débrouiller . Et pour le fonds existant, ce directeur prône pour une répartition équitable du peu qu’on a sans distinction du public ou privé, radio ou presse écrite, en ligne ou imprimé.
« Nous voulons des journalistes dignes d’être journalistes. Pas des charlatans » , insiste Ambassadeur Vestine Nahimana, présidente du CNC. Et de préciser, nous donnerons les cartes aux journalistes, pas aux stagiaires ou bénévoles. L’ambassadeur met en garde les organes de presse qui n’ont pas encore donné les dossiers pour la confection de nouvelles cartes et aussi ceux qui ne respectent pas la ligne éditoriale , le cahier de charge et les programmes présentés . Les radios communautaires doivent avoir des productions qui répondent aux besoins de la population. Cela redonnera une bonne image d’un journaliste et des médias. Elle rappelle que le délai limite reste le 1er décembre.
Le temps jugé insuffisant, …
Les participants ont jugé insuffisant le temps consacré à ce grand événement . « Nous n’avons pas eu le temps d’étudier en long et en large les défis qui hantent le métier « , se lamente Claude Nkurunziza, directeur de Rema FM .
Pour Faustin, en seulement deux jours, on ne peut pas parler des activités de toute une décennie. » Souci de moyens ? Que le gouvernement débloque un budget pour ça , c’est une activité importante , il fallait au moins 5 jours . Si on compte toujours de l’argent des bailleurs , où est l’indépendance ? La chanson de tous les jours « , demande-t-il aux organisateurs . Il explique que , normalement , les exposés seraient de nous mettre dans le bain de l’activité pour pouvoir poser des questions ou réfléchir , mais, ils ont occupé presque tous les deux jours.
Les professionnels des médias déplorent que les exposés ont dominé les séances au lieu de privilégier les débats. Pour la prochaine fois, souhaitent-ils, il faut des séances des débats ouverts et des travaux en groupe pour bien formuler les recommandations réfléchies. Sinon , ajoutent-ils, il y a risque de confondre l’événement à un atelier média .
L’on vous signalerait que la récente tenue des états généraux de la communication et des médias (2ème édition) était celle de 2011 et les recommandations formulées sont à 54% exécution. Il est à signaler également que celles formulées dans la 3ème édition, s’est convenu un comité de suivi pour une bonne mise en œuvre.
Gérard HABURANIMANA