L’état du Burundi a ses propres terres domaniales dans toutes les provinces, en milieux urbains qu’en milieux reculés. Mal identifiées, délimitées voire méconnues, il fait recours à l’expropriation qui lui coûte cher, souvent suivie de grognes de la population en cas d’insatisfaction. Le duo Institut d’Administration et Cartographie Foncière de l’Université du Burundi et une ASBL Jamii en a fait le sujet du jour dans un atelier du 31 Mai 2022 à l’Université du Burundi
« La réalité est que le Burundi, depuis l’époque coloniale, n’a pas pu inventorier toutes ses terres”, a fait savoir Dr Nukuri Emery, le Professeur d’ Université et doyen de l’institut du campus Buhumuza.
Il indique que ce soit l’époque des Allemands ou des Belges, ils ont affirmé que l’Etat a ses propres terres mais sans les identifier ni les délimiter. Par conséquent, poursuit-il, le domaine de l’État se réduit de plus en plus du fait que la population a continué de grignoter ou de s’en approprier entièrement en toute illégalité.
Ne connaissant pas ses terres et leur superficie, l’État en perd doublement. « Lors que l’État a besoin des terres pour un intérêt public, il doit recourir à l’expropriation et donner des indemnisations alors que c’étaient ses propres terres« , explique-t-il.
« 5% des terres domaniales appartiennent à l’Etat « , affirme Gérard Manirakiza de la commission foncière nationale, se basant sur les études faites par des ONGs. Néanmoins, déplore-t-il, les données ne sont pas compilées, actualisées ou harmonisées. Il explique cette absence des données fiables par manque de moyens. Aussi, ajoute-t-il, la population s’est appropriée le patrimoine de l’État à cause de l’incompétence de certains administratifs qui se faisaient maîtres du domaine foncier.
« Il est très urgent que l’État dispose une base de données de toutes ses terres, bien délimitées mais aussi de leur situation en terme de fertilité pour faciliter le choix du terrain en cas d’un besoin urgent de l’exploitation agricole« , propose Dr Nukuri.
De la commune au niveau national, poursuit cet académicien, l’Etat doit se doter d’un plan annuel des expropriations avec un budget conséquent. A défaut de ce plan, il y a risque de retarder les activités prévues.
Plus de gens mais moins d’espace, un autre danger très sérieux…
Marie Louis Nindorera indique que le Burundi devrait se préoccuper de la pression démographique
Et savoir comment s’y prendre.
« Plus de gens mais moins d’espace, un danger très sérieux « , fait un clin d’œil ce représentant de Jamii, une ONG qui s’occupe des questions du domaine foncier. Il affirme que tant que la démographie accélère à toute allure et la superficie du Burundi reste inchangée (27834km2 ) , l’État doit étudier comment gérer les terres avec une vision poussée et lointaine.
Le doyen de l’Institut du Campus Buhumuza, Dr Nukuri Emery conseille à l’État d’utiliser avec pragmatisme. « Comment donner une parcelle dans un quartier à une personne qui va construire une maison simple pour 5personnes alors que l’État est dans un autre paradigme de construire des logements sociaux ? », se demande-t-il. Plutôt, la construction des immeubles en étage pouvant loger 100 personnes chacun, serait la meilleur solution d’économiser les terres.
Pour une bonne gouvernance foncière et s’adapter à la forte pression démographique, le Dr Emery conseille à l’Etat d’identifier les terres cultivables fertiles pour l’agriculture et celles qui ne le sont pour la construction. De cette façon, d’ici 20ans, 30 ans , nous pourrons continuer d’utiliser le même territoire, petit soit-il, pour nourrir une population nombreuse avec des terrains pour les infrastructures. C’est simple, assure-t-il, il suffit de respecter le paradigme : planification des activités, planification du budget, disponibilisation des données fiables sur les terres, disponibilisation des informations foncières.
Gerard HABURANIMANA