Lors des conflits armés, des catastrophes naturelles ou autre situation pouvant être à l’origine d’une migration, les familles se retrouvent souvent séparées involontairement des leurs jusqu’à perdre le contact. Cette séparation intronise l’angoisse, l’insécurité de l’âme, troubles psychiques, et peut constituer un frein du développement économique de la famille. Dieu merci, le Comité International de la Croix-Rouge, en collaboration avec le Mouvement de la Croix-Rouge, répond présent pour rétablir les liens. Si besoin, les réunifier : rebonjour la joie. Les chiffres sont de bons juges. 30.600 familles, ont été mises en contact avec les leurs par voie du message Croix-Rouge dans une période de 3 ans (2019 à 2022), plus de 8.000 personnes qui ont pu s’entretenir par appels téléphoniques, 8 par vidéo téléconférence ainsi que plus de 300 enfants réunifiés. Louable que soit le service, il est presque méconnu.
Nirera Sophie, une jeune fille de 19 ans, habite la colline Murambi, commune Busoni. Elle a été réunifiée à sa famille après 13 ans de séjour au Rwanda à Nyanza, sans moindre information de sa famille. La pire période cauchemardesque. « Nous nous sommes rendus au Rwanda avec mon père qui, après une année, est rentré au pays natal. Arrivé au chez nous, il quitta le monde des humains. N’étant pas au courant, j’ai attendu son retour mais en vain. Et je décida de quitter Nyanza pour Bugesera car mes conditions de vie n’étaient que du calvaire. Une déconnexion totale. Je me dis que c’est la période la plus sombre de ma vie. Je ne parvenais pas à avoir du sommeil: quand je me souviens de mes parents, frères et sœurs, je me prenais à l’isolement pour pleurer même étant à table, je me sentais haïe« , raconte Sophie Nirera . [… d’une voix plaintive, inarticulée, elle gémit, elle pleure, environ deux minutes d’interruption de l’interview]. Et de poursuivre, c’est grâce au Message Croix-Rouge qu’elle a trouvé un peu de tranquillité. « Le message Croix-Rouge n’est-il pas synonyme de celui de l’ange Gabriel à la vierge Marie ?« , considère-t-elle. Désespoir fini, le contact rétabli. Et c’était l’étape de demande de réunification, un processus réussi le 4 janvier 2023. « Je n’oublierai jamais l’ambiance de cette date, arrivée à la maison, j’étais dépassée de joie. Je n’ai pas des mots à dire pour le CICR et la Croix Rouge, c’est un redonneur de joie aux désespérés« , poursuit-elle, très émue.
Le même sentiment que Singayirimana Évelyne, sa mère. Elle indique que, pendant la période de déconnexion de sa fille, menait une vie sans bonheur. « L’angoisse s’aggravait de temps en temps. Les derniers moments, j’étais à un stade où je ne pouvais même pas me débrouiller dans les activités quotidiennes. Maladive à tout moment, ce qui n’était pas le cas avant la situation. Mon cerveau, mon esprit, toutes mes pensées n’avaient autres affaires que méditer sur ma fille, Sophie « , nous a raconté le cinquantenaire. La même situation vécue par Evelyne Nizigiyimana(19ans) de la zone et commune Ntega , qui fut enfant non accompagné dans le camp de réfugiés de Mahama, au Rwanda.
Le processus réussi, l’administration locale soulagée
Une famille en insécurité, la situation affecte l’entourage. Bunani Jean Marie, chef de la sous-colline Rutanga de la colline Murambi à Busoni, fait savoir que le couple se chamaillait presque tous les jours avant que le conjoint rende son âme, on devrait rester toujours aux aguets pour tenter de réconcilier. Chacun jetait le tort à l’autre. Même après l’adieu de son mari, ajoute cet administratif, la mère de Sophie n’était pas tranquille. Elle ne participait pas aux activités réunissant les membres du village pour raisons de ce malaise, et on la comprenait. Mais, apprécie-t-il, les choses ont changé. Après la réunification, c’est la paix, la femme est très accueillante, serviable et active dans les travaux de développement communautaire.
Quant à Jean Baptiste Kwizera , conseiller chargé des affaires socio-culturelles au cabinet du gouverneur de Kirundo , l’on ne peut pas atteindre le développement s’il n’y a pas la tranquillité de l’âme. De tels services, reconnaît-il, tiennent au cœur l’administration. Cet administratif salue les efforts du CICR et la contribution de la Croix-Rouge du Burundi dans les communautés surtout en faveur des vulnérables. J.B Kwizera constate un déséquilibre des travaux par rapport à la sensibilisation. « Le service de rétablir ou maintenir les liens entre famille jusqu’à la réunification si besoin, n’est pas fruit du hasard, c’est un processus louable et vraiment plus humanitaire méritant une large sensibilisation pour qu’aucune personne en besoin de votre louable intervention, ne reste de côté pour méconnaissance« , a-t-il suggéré.
En humanitaire, l’on ne tient pas compte du prix
Livingstone Ndoricimpa , responsable du service en charge du Rétablissement des Liens Familiaux au CICR, fait savoir que ce qui compte plus est la réussite du processus , pas le coût . Mais, redonner de la joie aux désespérés. « Imagine dès la localisation, la distribution du message Croix-Rouge et réponse, demande de réunification jusqu’à la fin du processus. Plus de déplacements pour un seul cas avec les histoires de carburants, hôtels et autres dépenses y relatives. Il arrive même des fois où on manque de l’adresse du bénéficiaire du service et on se retrouve obligé de faire d’autres déplacements supplémentaires. Nous nous réjouissons au résultat que calculer le coût car la vie ou la joie vaut plus« , explique-t-il. Pour lui, parvenir à la réunification, exige certaines conditions. Il s’agit de l’accord de l’enfant à réunifier et de sa famille. Et de poursuivre, il faut également l’accord de l’administration. Ndoricimpa n’oublie pas l’environnement socio-économique et sécuritaire et ajoute que même après la réunification, le CICR reste de près pour le suivi.
Gérard Haburanimana